Bolivie – Cochabamba

DFAE soutient l’association Voix Libres pour la formation de jeunes « justicières » en Bolivie…

Voici ce que nous dit Clara Naudi qui assure le suivi de ce soutien…

J’ai connu l’association Voix Libres (site web ici) et rencontré Marianne Sébastien, sa fondatrice, à Strasbourg, en novembre 2022. J’ai été marquée par la diversité et l’ampleur des actions soutenues, par leur efficacité, par le soutien du gouvernement de Bolivie et par la rigueur de la gestion de l’association, qui œuvre depuis trente ans. Surtout, j’ai été marquée par l’amour de Marianne et de toutes les personnes qui œuvrent autour d’elle. Marianne a commencé avec une douzaine d’enfants des mines de Potosi, et actuellement, ce sont des millions d’enfants, de femmes et d’hommes qui retrouvent le chemin de l’autonomie, de la résilience, et de l’amour.

Parmi les multiples actions que DFAE aurait pu soutenir, j’ai choisi la formation des jeunes « justicières », action qui a été acceptée par le comité directeur de la Fédération Internationale DFAE.

En 2023, sur les vingt étudiantes de ce programme, nous avons soutenu six jeunes filles en finançant leurs études et leur hébergement en internat pendant une année. L’année suivante, DFAE a élargi son soutien en incluant trois jeunes filles de plus, soit neuf au total. La formation des « justicières » s’adresse à des jeunes filles issues de milieux défavorisés ou misérables, souvent victimes elles-mêmes de violences sexistes ou sexuelles, ou issues de couples où le père a tué la mère. En trois ans ou quatre ans, elles deviendront avocates ou juges, afin de réformer de l’intérieur le système judiciaire très souvent laxiste. A Cochabamba, le deuxième département de Bolivie pour la violence, les agressions et les meurtres de femmes par leur conjoint sont quasi quotidiennes, parfois sous les yeux des enfants, et l’impunité des auteurs de ces crimes est d’un niveau élevé. C’est là qu’a été créé par Voix Libres l’Observatoire de la justice et la Maison de la justice, où les femmes et les jeunes deviennent des agents du changement pour une vie sans violence.

Venant de régions pauvres, où le niveau scolaire est souvent bas, les jeunes filles bénéficient d’une mise à niveau scolaire initiale. Chaque justicière a une histoire difficile, jalonnée de violence et de traumatismes. Aussi, afin de leur permettre de s’en libérer et de devenir de grandes avocates ou juges, et pour renforcer l’estime de soi et la guérison de leurs souffrances, elles participent à des ateliers de libération psychologique conduits par des professionnelles chevronnées, mais aussi à des cours intensifs d’auto-défense, d’art thérapie, des ateliers du rire… Pour lier la pratique à la théorie, les jeunes filles s’investissent dès le départ dans l’Observatoire de la justice et assistent au travail des procureurs et des avocats. Ainsi, elles apprennent directement sur le terrain ce qu’elles ont appris en cours. Elles s’inscrivent activement dans des actions sur le terrain : campagnes de sensibilisation à la non-violence, de soutien aux femmes victimes de violence, prévention de la violence envers les enfants, dont certaines se déroulent en coopération avec la police… Elles participent toutes les semaines à des ateliers animés par des avocats, des psychologues, des pédagogues, des personnels de santé et d’autres professionnels qui les aident à résoudre leurs doutes et leurs inquiétudes. Elles montrent une forte détermination, un engagement majeur, à œuvrer pour la justice en dépassant leurs difficultés, en compensant les carences souvent importantes de leur scolarité, leurs traumatismes, la perte d’estime d’elles-mêmes, afin d’installer plus de justice, plus de soutien, plus d’amour dans la société où elles vivent.

L’impact des justicières sur la société bolivienne est significatif et s’étend à différents domaines. En particulier :

  • Leur propre formation renforce la lutte contre la violence.
  • Elles visent à transformer de l’intérieur le système judiciaire bolivien en prenant leur place d’avocates ou de juges.
  • Elles transmettent aux femmes des communautés le savoir acquis et diffusent les voies de la dénonciation, brisant ainsi le cycle de la violence.
  • Elles participent aux actions des « Femmes de Feu », survivantes de la violence sexiste, et des « Hommes de paix », hommes violents, parfois assassins, emprisonnés, et qui à leur sortie, enseignent dans leurs quartiers comment aimer les femmes et les enfants, et s’aimer eux-mêmes.

Etant garante du suivi de cette action de soutien à Voix Libres et dans le respect de la charte de DFAE, je suis en lien régulier avec Coralie, de l’agence Voix Libres à Strasbourg, qui me tient au courant des progrès, des examens, des difficultés et de la grande gratitude des jeunes filles que nous soutenons.

Clara Naudi